Articles sur le livre "Une vie en plus"

Bernard Kouchner : « nos aînés représentent une chance de développement »

La « bombe longévité » est un grand sujet de société, à la fois urgent et dérangeant ! Peu de politiques osent l’aborder publiquement. Voici une voix courageuse, celle de Bernard Kouchner, qui retrouve et rejoint bien des questions abordées dans notre livre, notamment sur la vie active des seniors. Un texte à méditer !

"Nous gagnons chaque année en France trois mois de vie supplémentaire. La durée de vie augmente pendant que le taux de travail diminue. Notre société n’a pas encore pris la mesure de ces immenses changements. Certains de nos aînés s’ennuient et refusent l’oisiveté forcée de la retraite. Ils ont raison. En Suède 23% des plus de 60 ans travaillent, contre seulement 7% chez nous. Relevons le défi des fins de carrière. La France doit encore faire des efforts. Nos aînés ne sont pas un poids économique, ils représentent au contraire une chance de développement.

La vieillesse n’est plus et ne doit plus être cette période d’oisiveté, cette rupture de l’élan, l’arrêt forcé du travail. Plus de quatre-vingt dix pour cent de nos retraités vivent au domicile jusqu’à 85 ans, alertes et disponibles. Ces retraités sont actifs, ils débordent d’énergie : sachons l’utiliser, et écouter ces femmes et ces hommes disponibles pour les générations suivantes, prêts à former les jeunes, chez nous et ailleurs dans le monde en développement qui les réclame.

C’est un immense privilège pour notre pays que de pouvoir profiter de l’expérience, de la formation, de la vigilance de nos aînés. La majorité des populations du monde, qui meurt encore beaucoup plus jeune, nous envie. Nos cheveux blancs sont pour nous une vigilance, ils ne laisseront pas passer les mensonges trop faciles, ils veilleront sur la nécessité de l’effort collectif, ils ne veulent pas que s’installent le laisser-aller et les incivilités.
Écoutons les plus, profitons encore d’eux.

La vieillesse crée de la richesse, comme la santé crée de l’activité, et entraîne une redistribution des capitaux. Les retraités, qui sont 7% plus riches que les travailleurs, inventent des métiers d’accompagnement non délocalisables, et produisent de l’emploi pour les jeunes.

Il convient, certes, de vieillir en bonne santé. C’est le cas chez nous grâce à un système de prévention et de soins qu’il nous faut à tout prix protéger. Grâce aussi à un système de retraite dont l’équilibre doit absolument être pérennisé. Il s’agit là de deux enjeux majeurs pour l’avenir de notre pays, face auxquels chacun doit être mobilisé.

Cette mobilisation doit être collective, par les réformes désormais indispensables à la survie de notre système. Mais elle doit également être individuelle, chacun devant prendre conscience de sa responsabilité face à sa propre santé. Il n’y a qu’ainsi que nous pourrons continuer de vieillir aussi bien et aussi longtemps sans menacer l’équilibre global de notre société... La moitié des personnes âgées de plus de 90 ans est encore autonome. Sachons répondre à leurs besoins, et sachons les anticiper.

Le grand âge commence à 90 ans."

Bernard Kouchner
Ancien Ministre
Professeur au CNAM
Président de l’association Réunir
"A l'occasion des premiers entretiens Pfizer “la santé d'âge en âge” du 23 novembre 2005"