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Les matériaux intelligents

Intervention de Joël de Rosnay à la Conférence Université de tous les savoirs (CNAM), 4 Octobre 2000

Les premières civilisations se sont construites grâce à des matériaux naturels : le bois, la pierre, le cuir, l'os, la corne, le lin ou le chanvre. Nous avons ensuite connu, mais plus récemment, l'émergence des matières plastiques, puis des composites. La société moderne est envahie d'objets en matières plastiques, dans le bâtiment, l’automobile l'aéronautique, le sport ou le secteur militaire. Un objet naturel ou en matière plastique dépend des caractéristiques de la matière qui le constitue. Ainsi en est-il d’une chaise en bois ou d'un combiné téléphonique en plastique. Mais progressivement, les chercheurs et les ingénieurs ont eu le besoin d'utiliser des matériaux comportant eux-mêmes leurs propres fonctions. Des matériaux multifonctionnels capables de s'adapter à leur environnement. C'est l'avènement des matériaux intelligents, nés au début des années 80 de travaux menés principalement aux États-Unis dans le domaine de l'aérospatiale et qui concernent aujourd’hui tous les secteurs d’activités. Depuis l’origine, les matériaux ont été classés en deux grandes catégories : les matériaux de structure qu’on utilise principalement pour leurs propriétés mécaniques (construction de bâtiments, armures…) et les matériaux fonctionnels dont la capacité à conduire le courant électrique par exemple, ou la transparence trouvent de nombreuses applications. Grâce aux matériaux intelligents les fonctions sont inscrites dans la forme et dans la matière. Les matériaux deviennent adaptatifs et évolutifs. C'est une véritable révolution pour le XXIe siècle. Tout aussi importante que celle de la révolution de la communication ou des biotechnologies, beaucoup plus spectaculaires. Une révolution qui marque aussi le grand retour de la chimie. Discipline souvent mal connue, disposant d'une mauvaise image dans le public en raison des effets toxiques de certains produits ou des pollutions auxquelles elle peut conduire. Les matériaux intelligents célèbrent aussi le rôle grandissant des modèles biologiques dans la conception de produits nouveaux. Copier les systèmes vivants, les micromachines moléculaires ou cellulaire, les membranes actives ou sélectives, permet d'explorer de nombreuses voies d'applications nouvelles dans le domaine médical ou de l'informatique. Les matériaux intelligents s'imposent aujourd'hui dans les secteurs les plus divers, allant du bâtiment aux équipements sportif en passant par la biomédecine, la robotique ou le secteur militaire. 

Qu’est-ce qu’un matériau intelligent ? Définition et exemples d’applications.

Un matériau intelligent est sensible, adaptatif et évolutif. Ils possède des fonctions qui lui permettent de se comporter comme un capteur (détecter des signaux), un actionneur (effectuer une action sur son environnement) ou parfois comme un processeur (traiter, comparer, stocker des informations). Ce matériau est capable de modifier spontanément ses propriétés physiques, par exemple sa forme, sa connectivité, sa viscoélasticité ou sa couleur, en réponse à des excitations naturelles ou provoquées venant de l'extérieur ou de l'intérieur du matériau. Par exemple des variations de température, des contraintes mécaniques, de champs électriques ou magnétiques. Le matériau va donc adapter sa réponse, signaler une modification apparue dans l'environnement et dans certains cas, provoquer une action de correction. Il devient ainsi possible de détecter des faiblesses de structures dans le revêtement d'un avion, des fissures apparaissant dans un bâtiment ou un barrage en béton, réduire les vibrations de pales d’hélicoptère, ou insérer dans les artères des filtres qui se déploieront pour réduire le risque de dispersion de caillots sanguins. 

Quelles sont les différentes catégories de matériaux intelligents considérés aujourd'hui comme classiques ? Il s'agit principalement de trois catégories de matériaux connaissant de nombreuses applications dans des secteurs divers : les alliages à mémoire de forme (AMF), les matériaux piézo-électriques, électrostrictifs et magnétostrictifs. 

Les alliages à mémoire de forme sont les plus connus. Déformés à froid, ils retrouvent leur forme de départ au-delà d'une certaine température par suite d'un changement de phase. Le principe physique de base repose sur une transformation réversible (modification de la structure cristalline), en fonction de la température. Ces alliages sont le plus souvent fabriqués à base de nickel-titane (le Nitinol), avec différents éléments d'addition, comme du cuivre, du fer, du chrome ou de l'aluminium. Depuis la fin des années 60, l'industrie de l'armement ou de l'électronique utilise ces alliages dans des conduites hydrauliques ou des collecteurs électriques. Pour le grand public, il existe déjà des thermostats, des carburateurs, des jouets, des sculptures utilisant ces propriétés. Il existe des filtres à mémoire de forme capables de piéger les caillots sanguins dans les vaisseaux. En arrivant dans le cœur, les poumons ou le cerveau, ces caillots tuent des centaines de milliers de personnes chaque année. Les anticoagulants classiques peuvent avoir des effets secondaires, tandis que les filtres implantés nécessitent des opérations délicates. Pour réduire ces problèmes, on utilise un minuscule faisceau en alliage à mémoire de forme. Quant on le refroidit en dessous de la température ambiante, il entre facilement dans un cathéter. Mais placé sans chirurgie dans une grosse veine, il se réchauffe, se déploie et devient un filtre en forme de pomme d'arrosoir, solidement maintenu en place. Les caillots ainsi retenus finissent par se dissoudre au bout de quelques semaines.

Les matériaux piézo-électriques produisent une tension électrique lorsqu'ils subissent une contrainte mécanique. Par exemple lorsqu'ils sont comprimés. Soumis à un courant électrique ils peuvent aussi se déformer mécaniquement. La fréquence du signal électrique et son amplitude varient directement en fonction de la déformation mécanique qu’ils subissent. Ces matériaux sont généralement constitués de céramique et plus récemment de polymères. Les plus connus sont les quartz des montres à quartz permettant d’entretenir les vibrations de base servant à la mesure du temps. On utilise aussi les matériaux piézo-électriques pour amortir des vibrations et réduire le bruit. On peut, par exemple, entourer un axe rotatif avec des matériaux piézo-électriques afin de diminuer considérablement les vibrations. On utilise aussi des polymères piézo-électriques pour des applications médicales ou pour capter des ultrasons. Une application intéressante des matériaux piézo-électriques est le contrôle de santé de certains matériaux intervenant dans la construction des carlingues d'avions ou les bâtiments en ciment. Un capteur piézo-électrique pourra détecter des défauts localisés, comme des fissures, des trous ou des impacts. Une fracture va générer en effet un bruit ou des vibrations capables d'être analysés par le capteur. Des fibres de carbone en se brisant, vont modifier la résistance du circuit électrique qu’ils constituent. En voici une application : le " ciment intelligent " 

Ce ciment est doté d'une sorte de " système nerveux " qui lui permet de détecter des changements internes et de transmettre des informations à l'extérieur. Avec ce type de ciment on peut construire des ponts ou des barrages capables d'avertir les ingénieurs des zones de fragilisation aux endroits même où des fissures ou des fractures peuvent apparaître. Soumis à des stress divers, poids, vibrations, gel, tremblements de terre, les constructions en ciment peuvent céder brutalement sans qu'aucun signe n'ait pu être détecté au cours de visites préventives. La méthode classique consiste à définir et à repérer à l'avance les points supposés fragiles pour y appliquer des sondes de surveillance. Mais ces points doivent être choisis dès la construction et leur utilité pourra se réduire au cours du temps. C'est pourquoi des chercheurs de L'Université de New York à Buffalo, dirigés par le professeur D. Chung, ont eu l'idée de créer dans le ciment un véritable système nerveux à base de fibres de carbone. Ces fibres de 10 microns de diamètre et de quelques cm de long sont mélangées au ciment au moment de sa préparation. Même si elles ne représentent que 0,05 % de son volume elles accroissent sa conductibilité électrique de 10%. Ces fibres dépassent à l'extérieur ce qui assure un bon contact électrique. On peut donc placer des électrodes en n'importe quel point de la surface d'une construction en " ciment intelligent " et détecter un changement de stress. Il suffit pour cela de mesurer la résistance électrique du ciment. Désormais une alarme pourra sonner bien avant qu'un mur ne se fissure ou qu'un pont ébranlé par un tremblement de terre ne menace de s'effondrer. 

Les matériaux magnétostrictifs peuvent se déformer sous l'action d'un champ magnétique. Il en est de même des matériaux électrostrictifs qui vont subir le même type de déformation, laquelle sera proportionnelle au carré de la puissance des champs appliqués. Ces matériaux ou ces polymères vont être capables de s'adapter automatiquement à l'environnement en prenant des formes utiles en réaction à des sollicitations extérieures d'ordre acoustique vibratoire, mécanique ou thermique. 

Ces trois catégories de matériaux intelligents sont les plus étudiées, mais il en existe d'autres. Notamment les fluides électrorhéologiques capables de se rigidifier sous l'action d'un champ électrique, en raison de l'orientation de certaines particules polarisables suspendues dans un liquide. On peut ainsi obtenir des liquides qui se transforment en gel avec de nombreuses applications dans le domaine biomédical notamment. Il existe aussi des polymères conducteurs ou semi-conducteurs, des polymères à transparence variable en fonction de la température ou des vitrages pouvant se colorer en fonction de certaines sollicitations extérieures. Il faut également mentionner, bien entendu, les célèbres cristaux liquides qui interviennent dans les écrans des ordinateurs portables, des téléphones ou des montres et les semi-conducteurs, qui peuvent être aussi considérés comme des matériaux intelligents. 

Les nouvelles applications des matériaux intelligents

 

Ces matériaux que l'on pourrait qualifier de " classiques ", conduisent à de nombreuses applications dans l'industrie, l'habitat ou les loisirs. Mais des nouvelles générations sont en train d'apparaître grâce aux progrès réalisés dans la chimie des polymères, ainsi que par suite d'une meilleure compréhension des structures biologiques pouvant servir de modèles. On peut considérer que les maisons du futur ainsi que les bureaux seront peuplés de matériaux intelligents. La maison était d'abord un abri passif pour se protéger du froid ou des intempéries. Elle est devenue active avec l'arrivée des fluides, de l'énergie, de l'eau, du gaz, de l’électricité et du tout-à-l'égout. Elle s’est dotée de " muscles " avec les robots ménagers. Elle devient réellement interactive avec le téléphone, la télévision, la radio, les satellites et l'Internet. Mais les murs eux-mêmes et les cloisons faits de matériaux intelligents vont être capables de fonctions et de propriétés qui vont révolutionner le bâtiment dans les années à venir. Reliés à des capteurs, à des systèmes électroniques et à des robots domestiques, ces matériaux vont bouleverser notre façon de vivre dans les maisons de demain. À la différence des matériaux passifs capables de lutter contre le bruit ou contre la perte de chaleur (comme le liège ou la laine de verre), les matériaux intelligents pourront s'adapter à leur environnement comme une " peau " sensible. Par exemple, absorber l'humidité ou au contraire vaporiser de l'eau, comme un humidificateur. Ou encore créer une ventilation quand la température atteint un certain niveau, détruire des odeurs gênantes, tuer des bactéries ou éliminer des acariens dans des tentures ou des moquettes susceptibles de provoquer des allergies chez les occupants d'une pièce ; assombrir un vitrage quand la lumière devient trop forte et même, dans certains cas, être capable d'éliminer les vibrations, voire du bruit, par production d'un antibruit ou d'antivibrations neutralisant la gêne incidente. Il existe déjà des tables ou de cloisons expérimentales, sensibles à la proximité de la main et capables d'afficher par transparence l'équivalent d'un écran d'ordinateur ou de projections multimédia. Des capteurs biométriques sont susceptibles de détecter la présence humaine et même de reconnaître précisément quelles personnes entrent dans une pièce en fonction de certains paramètres biologiques spécifiques. Les bâtiments ressemblent à des organismes vivants dotés d'un squelette, de muscles, d’un système nerveux, ou d'un cerveau. Les personnes habitants dans ces espaces vivent ainsi et en symbiose avec leur environnement. 

Dans la cuisine ou la salle de bain, les emballages aussi deviennent intelligents. La nouvelle génération des emballages s'adapte à son environnement grâce aux capteurs biochimiques ou aux absorbeurs d'oxygène. L'objectif des fabricants c'est la qualité des aliments emballés, des produits pharmaceutiques conservés, ainsi que la protection de l'environnement. Dans les domaines de l'agroalimentaire, de la pharmacie ou des cosmétiques, les emballages ne sont plus passifs mais actifs. Capables de réagir au taux d'humidité en le maintenant de manière équilibrée, au taux d'éclairement en changeant de couleur pour filtrer la lumière ou même comme barrière contre les microbes en stérilisant les produits emballés. Les chercheurs ont mis au point des absorbeurs d'oxygène capables de consommer chimiquement tout l'oxygène contenu dans un sac étanche sans qu'il soit nécessaire de le mettre sous vide. Contrairement aux anti-oxydants qui sont ajoutés aux aliments, l'absorbeur d'oxygène est placé dans l'emballage à coté du produit consommable. Les gâteaux, les confiseries, les fromages conservent ainsi leur qualité et leur fraîcheur sans conditionnements compliqués. Autre approche : empêcher l'oxygène de passer, grâce à des enduits de verre sur plastique. Des emballages intelligents préparés à partir de zéolite, une argile renfermant des sels d'argent ou de cuivre détruisent les microbes qui passent à travers. Encore plus étonnant, l'emballage au gluten de blé. Il est biodégradable et de surcroît comestible. 

Une des percées parmi les plus spectaculaires des matériaux intelligents a été réalisée dans le secteur des biopolymères. Ces biomatériaux trouvent de nombreuses applications dans le domaine des biotechnologies et de la médecine. La soie, le collagène, la cellulose, l'élastine, sont des biomatériaux naturels connus depuis longtemps. Récemment, on s'est aperçu que des biomatériaux de synthèse pouvaient être utilisés pour traiter ou remplacer certains tissus, organes, ou fonctions du corps. Par exemple, certaines capsules en polymères intelligents implantées dans l'organisme laissent passer des molécules capables de traiter en permanence des affections du corps. D'autres biomatériaux peuvent servir de prothèses, de valves cardiaques ou de membranes sélectives. Plusieurs laboratoires utilisent du collagène, de la cellulose ou même du corail comme matrice à partir de laquelle les cellules naturelles, en se divisant, reconstituent une partie abîmée ou manquante d'un organe. Par exemple des nez ont pu être reconstruits par croissance de cellules de la peau sur des matrices de ce type, constituant un échafaudage biodégradable. 

Des " matériaux de soutien intelligents " vont jouer un rôle de plus en plus important dans le domaine du génie tissulaire. Des biomatériaux modifiés ou des polymères de synthèse exercent une influence directe sur les cellules qui les recouvrent en raison de leurs propriétés de surface. Des signaux moléculaires biologiques sont en effet intégrés à ces matériaux afin de leur conférer des caractéristiques de surface qui imitent des sites de reconnaissance naturels. Les cellules reconnaissent de tels signaux et se comportent comme dans l'organisme vivant. On peut ainsi diriger les cellules pour qu'elles se rassemblent ou s’organisent de manière programmée. Actuellement, des équipes de chercheurs sont parvenues à faire croître des nerfs sectionnés en réalisant un pontage entre les deux extrémités nerveuses avec de tels matériaux intelligents. 

Nouveaux modèles et nouveaux outils

 

Les matériaux intelligents s'inspirent de plus en plus de modèles biologiques. Depuis quelques années, la structure des membranes, le rôle des protéines, de l'ADN, des polysaccharides ou des lipides sont mieux connus, ainsi que celui des micromoteurs moléculaires qui assurent le fonctionnement intime des cellules vivantes. Les chercheurs disposent ainsi de nombreux modèles dont ils peuvent s'inspirer ou qu’ils peuvent copier. Les microtubules de la cellule, les ribosomes, les moteurs des flagelles sont autant de micromachines construites à partir de biomatériaux intelligents. De plus, de nouveaux outils sont venus apporter aux chercheurs un arsenal permettant un usinage à l'échelle moléculaire, voire atomique. C'est l'essor des nanotechnologies fondée sur des capacités d'assemblage de structures supramoléculaires, du " bas vers le haut ". En effet, la démarche traditionnelle de miniaturisation a surtout consisté à enlever de la matière par couches successives, grâce à des techniques comme la photolithographie optique intervenant dans la fabrication des microprocesseurs. Désormais, la connaissance des propriétés physiques et chimiques et des conditions d'assemblage de structures complexes, permet d'assembler ces matériaux nouveaux par ajout plutôt que par élimination. On peut ainsi fabriquer des couches minces aux multiples applications. De tels travaux ont été initiés il y a quelques années par les recherches de Langmuir et Blodgett. Ces chercheurs ont réussi à fabriquer des couches minces qui portent désormais leur nom (ou en abrégé : couches LB), à la pointe aujourd'hui de l'électronique moléculaire, un des secteurs parmi les plus prometteurs des matériaux intelligents du futur. Plusieurs laboratoires travaillent actuellement sur des nanoassembleurs programmés capables d'assembler de manière organisée, des structures complexes pouvant ainsi passer d'une échelle invisible à l'œil nu jusqu'à une utilisation macroscopique par l'homme. Dans des laboratoires d'usinage moléculaire on utilise le microscope à effet tunnel (MET ou STEM en anglais, scanning and tunelling electron microscope) ou le microscope à force atomique (AFM). On peut ainsi manipuler la matière, atome par atome, permettant la fabrication de matériaux sensibles ou réactifs à leur environnement. D'autres laboratoires travaillent sur des nanomachines et des nanorobots capables d'intervenir dans des " chaînes de montage moléculaires " pour fabriquer en série les matériaux du futur. 

Ces différentes méthodes et ces technologies de production ouvrent la voie à des nouveaux types de polymères conducteurs et semi-conducteurs capables de servir de base à l'électronique moléculaire de demain. Les composants électroniques moléculaires se présentent actuellement comme les successeurs potentiels des semi-conducteurs. Ces composants de synthèse offrent de nombreux avantages par rapport aux semi-conducteurs classiques : assemblage tridimensionnel, matériaux de synthèse permettant d'obtenir des propriétés sur mesures, miniaturisation approchant celle des structures biologiques, possibilités d'interface avec des systèmes vivants. 

La naissance de l'électronique moléculaire date de la fin des années 70. La plupart des molécules et macromolécules biologiques sont des machines à traiter l'information. L'ADN, les protéines, sont des sortes de microprocesseurs capables de reconnaître des signaux (électrons, ions, petites molécules) et de réagir par des modifications de structure physique, de forme ou de fonctions chimiques. Les assemblages supramoléculaires, composés d'une grande quantité de molécules interconnectées, existent en abondance dans les cellules. Par exemple, les microtubules (véritables micromachines participant au transport et aux mouvements cellulaires) ou la membrane, jouant un rôle de filtre sélectif et d'organe de communication. Ces assemblages supramoléculaires sont faits d'un empaquetage extrêmement dense d'éléments de construction (jusqu'à un million de milliard par mm2), alors que les techniques les plus perfectionnées de la microélectronique moderne atteignent à peine un million d'éléments par millimètre carré. Grâce au génie génétique et à la chimie organique, il devient possible de fabriquer des composants dotés de propriétés spécifiques, des transistors en plastique, et même des biopuces connectables aux organismes vivants. Pour la première fois, il deviendra possible de faire croître un circuit comme croît un cristal. Pour cela, les chercheurs devront maîtriser plusieurs étapes déterminantes. D'abord produire des commutateurs moléculaires fiables capables de passer d'un état à un autre. De tels commutateurs ont été récemment obtenus par James Tour de Rice University et Mark Reed de Yale. Il faut aussi pouvoir interroger ces commutateurs pour connaître l'état dans lequel ils se trouvent. Ensuite, fabriquer des mémoires moléculaires réversibles pouvant être réutilisées un grand nombre de fois et relier ces composants par des fils moléculaires pour transporter de l'information à distance. Autre étape : le montage de ces commutateurs, mémoires et fils dans des structures ou réseaux organisés en différents niveaux de communication et d'interconnexion pour effectuer des fonctions coordonnées. Enfin, il faudra être en mesure de réparer ces systèmes. Les molécules ne fonctionnant pas correctement devront être détectées, les composants remplacés. Des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années et l'on peut considérer que l'électronique moléculaire va jouer un rôle de plus en plus important dans les années à venir. 

Une autre catégorie de matériaux intelligents et qui aura sans doute des applications spectaculaires dans notre vie quotidienne, sont les " textiles intelligents ". De nombreux laboratoires dans le monde travaillent sur ces matériaux qui vont de la tenue de camouflage des militaires, à des vêtements de sport permettant aux entraîneurs de suivre les efforts des sportifs, jusqu'aux robes de la haute couture dotées de propriétés nouvelles et originales. En effet, les vêtements que nous porterons dans l'avenir vont ressembler de plus en plus à une seconde peau. Après les fibres qui respirent, des fibres textiles intelligentes s'adaptent à l'environnement biologique du corps. Le secret de ces fibres repose sur des microcapsules réparties dans l'ensemble du matériau synthétique et qui contiennent des produits chimiques particuliers. Ces produits sont capables de réagir à la température, à la lumière ou au frottement. Ils modifient alors la couleur du textile ou émettent des parfums. On a vu apparaître au Japon, notamment, des pull-overs ou des serviettes de toilettes à parfum contrôlé et même des vêtements qui repoussent les insectes nuisibles. Des fabricants de vêtements ont mis sur le marché des tenues de sport capables de changer globalement de couleur en fonction de la température. 

Mais d'autres textiles intelligents vont avoir des usages encore plus spectaculaires. Il s'agit de polymères capables de changer localement de couleur en fonction d'un certain nombre de paramètres physiques, tels que le passage d’un faible courant électrique, une augmentation de température ou des contraintes mécaniques. La coloration du tissu ou les inscriptions qu'il porte (par exemple sur un tee-shirt) ne sont pas imprimés avec des encres spéciales mais produites par des fibres de polymères capables de créer des images sur le corps ou en différents endroits spécifiques, comme s’il s’agissait d’un écran à cristaux liquides d'ordinateur porté sur le dos ou sur la poitrine. On imagine les applications de ces polymères dans le secteur militaire, notamment pour le camouflage. Des tenues de combat fabriquées à partir de ces polymères, portent des minuscules caméras vidéo capables de détecter des changements dans l'environnement et d'adapter aussitôt la couleur de la tenue de combat aux conditions dans lesquelles elle se trouve. Le fantassin du futur devient ainsi une sorte de caméléon capable de se fondre dans son environnement. D'autres industriels mettent au point des tee-shirts qui modifient la couleur, l’inscription ou les dessins qu’ils affichent, en fonction de l'état émotionnel la personne qui les portent ! Ces paramètres biologiques sont analysés par des minuscules biocapteurs tissé au sein même du vêtement. Le couturier français Olivier Lapidus a déposé des centaines de brevets et a déjà réalisé des robes de haute couture faites à partir de ces textiles intelligents. Une robe pourra ainsi changer de couleur plusieurs fois dans la soirée ou porter des ornements se modifiant en fonction de l'ambiance dans laquelle on se trouve. Des survêtements ou des tenues de sport bourrés de capteurs peuvent transmettre à distance des paramètres du corps à l'intention de médecins qui souhaitent suivre leurs patients heure par heure ou à destination d'entraîneurs surveillant les performances de sportifs au cours de leurs efforts. Des entreprises comme BodyMedia.com ou LifeShirt.com proposent déjà aux États-Unis ce type de vêtements connectables par un boîtier porté à la ceinture, à un site Internet réservé aux médecins ou aux entraîneurs. 

Les matériaux intelligents de demain : vers l’homme symbiotique

 

Les progrès de la chimie, des biotechnologies et des nanotechnologies laisse entrevoir des voies nouvelles pour les matériaux du futur. L'ère des matériaux intelligents ne fait que commencer. L'ADN, les protéines, les polysaccharides, sont des matériaux biologiques intelligents. Ils sont capables de conduire de l'énergie à distance, de réagir à des stimuli venant de l'environnement, de changer de forme, de reconnaître d'autres molécules, de catalyser la fabrication de structures supramoléculaires. L'ADN, notamment peut être considéré comme un véritable fil moléculaire conduisant des électrons à distance. Cette molécule est également capable de traiter de l'information. Une propriété mise à profit dans le bio-ordinateur à ADN. Progressivement une intégration de plus en plus étroite est en train de se réaliser entre matériaux biologiques intelligents et matériaux de synthèse avec lesquels ils s'interfacent. Cette évolution conduit ainsi à des puces biotiques implantables susceptibles de traiter de nombreux désordres métaboliques (rétine artificielle, audition artificielle, pompe à insuline, simulateurs ou défibrillateurs cardiaques), à des biopuces destinées à des tests biochimiques et médicaux ou à des machines moléculaires capables d'exécuter de nombreuses fonctions. Des nanolaboratoires fabriqués selon les techniques des microprocesseurs (" lab on a chip "), et renfermant de minuscules canaux dans lesquelles circulent des molécules, des pompes miniatures, des microréacteurs, des systèmes de séparation, sont aujourd’hui capables de réaliser des centaines de milliers de tests à l'heure en fonctionnant en parallèle. Des " pilules intelligentes " utilisant la convergence de ces technologies vont permettre, à partir d'une implantation permanente dans le corps, de traiter des maladies graves. 

Des chercheurs de l'université de Berkeley dirigés par Boris Rubinsky et Yong Huang ont réussi à fabriquer une biopuce hybride composée de circuits en silicium et de cellules vivantes. Ce circuit électronique miniature, d'une taille inférieure à celle d'un cheveu humain, est contrôlable par un ordinateur extérieur. Le biotransistor a été produit par des techniques analogues à celles utilisées pour la fabrication des microprocesseurs. Deux couches de polysilicium translucide forment des électrodes, tandis qu'une troisième couche crée une membrane jouant le rôle d'un compartiment de réaction. Ces différentes couches sont interconnectées par l'intermédiaire d'une micro cavité au sein de laquelle sont placés quelques cellules humaines vivantes dans un liquide nutritif et conducteur. Les cellules utilisées proviennent d'un cancer de la prostate. Grâce à une propriété cellulaire (appelé électroporation), connue depuis plusieurs années mais difficile à reproduire de manière fiable, il est possible de faire s'ouvrir de minuscules trous (pores) dans la membrane de la cellule et d'y faire pénétrer différents types de molécules. L'ouverture de ces pores est contrôlée par un courant électrique provenant d'un ordinateur et relayé par la puce de silicium sur laquelle vivent les cellules. En retour, les cellules émettent un faible courant électrique indiquant de manière certaine que les pores de la membrane cellulaire se sont ouverts. Le circuit hybride agit ainsi comme une diode, faisant intervenir pour la première fois dans un circuit électronique, un intermédiaire vivant. Ces travaux conduisent à de nombreuses applications industrielles et des brevets ont été déposés à cette fin. Il devient possible d'administrer de manière sélective des substances anticancéreuses dans une tumeur, sans léser les cellules saines avoisinantes. Ces travaux laissent entrevoir une communication directe de l'ordinateur vers le monde biologique et, réciproquement, du corps humain vers les ordinateurs. Avec des applications déterminantes dans le suivi en temps réel de patients atteints de déficiences métaboliques, ainsi que pour la mise au point de nouvelles générations d'interfaces bioélectroniques entre l'homme et les machines. D'autres laboratoires ont réussi à mettre au point des " neuropuces " (neurochips) en faisant croître des neurones sur des puces en silicium. On a même réussi à forcer les axones de ces neurones à emprunter un chemin programmé d'avance grâce à l'utilisation de surfaces faites des matériaux intelligents, afin de construire des circuits moléculaires fonctionnant à partir de cellules vivantes. Ces circuits ont été capables de traiter de l'information et de la transmettre à des ordinateurs électroniques classiques. 

A un niveau de complexité supérieur, les matériaux intelligents sont intégrés dans de véritables machines, dans des processeurs ou des mémoires. On les appelle MEMS (microelectromecanical systems). Ce sont des usines à l'échelle miniature capables de synthétiser des structures complexes, de séparer des molécules, de procéder à la catalyse de processus variés. Une application spectaculaire des MEMS est la " pilule intelligente " fabriquée par Robert Langer du MIT. Depuis plusieurs années, des chercheurs de nombreux laboratoires pharmaceutiques dans le monde travaillent à la mise au point de systèmes à base de capsules ou de vésicules contenant les médicaments et capables de diffuser lentement leurs précieux produits au cours du temps. Ces capsules programmées sont contrôlables à distance par de très faibles courants électriques. Elles sont en effet fabriquées à partir de polymères formant un gel qui se dissout dans l'eau dès qu'il reçoit un très faible courant électrique. L'astuce des chercheurs a été de fabriquer des minuscules capsules en couches successives comme une pelure d'oignon. Les doses contrôlées du médicament (par exemple de l'insuline pour les diabétiques) sont renfermées entre chaque couche de la capsule. Au passage du courant électrique une couche est éliminée ce qui libère le médicament dans le corps. Ce processus peut être répété autant de fois que nécessaire. Avantage : des doses régulières et contrôlées et une grande rapidité de diffusion du produit. La capsule est implantée sous la peau et le courant électrique programmé par un microprocesseur. Les applications sont nombreuses : administration d'insuline, de produits anti-douleur ou d'hormones. Le professeur Robert Langer à utilisé ce principe pour concevoir une pilule bioélectronique implantable dans le corps et libérant les produits qu’elle contient pendant des durées atteignant plusieurs mois. Cette pilule en silicium est creusée de milliers de petits trous remplis avec des médicaments puissants susceptibles d'être distribués au moment voulu à partir d'un signal reçu par des biocapteurs. Chaque trou est en effet recouvert d’un gel sensible à un courant électrique et capable de se dissoudre. Les médicaments sont ainsi libérés à l'endroit voulu et à la concentration désirée. 

D’autres types de matériaux intelligents récemment découverts, permettent de suivre à la trace les processus vivants dans les cellules. Ce sont les Quantum dots ou taches quantiques. Ces nanoparticules sont capables d'émettre des couleurs vives lorsqu'elles sont excitées par une source lumineuse. Elles sont donc parfaitement visibles à l'aide d'un simple microscope optique. Leurs applications sont multiples, tant dans la recherche fondamentale et appliquée que dans la mise au point de médicaments, le diagnostic rapide et l'analyse génétique. Des chercheurs de Berkeley et du MIT ont réussi à fabriquer de tels cristaux formés d'un très petit nombre d'atomes et dont la taille est en relation directe avec leur couleur. Ils ont notamment utilisé dans ce but, un semi-conducteur le séléniure de cadmium. La longueur d'onde de la lumière émise par ces cristaux varie dans un spectre allant de l'ultraviolet à l'infrarouge, avec une bande d'émission très étroite (et donc très spécifique). Une particule de 2 nanomètres va émettre une couleur vert intense, tandis qu'une particule de 5 nanomètres présentera une coloration rouge vif. Une famille de Quantum dots va donc générer des couleurs allant du violet au rouge en passant par le bleu, le vert, le jaune et l'orange. On comprend ainsi l'intérêt de ces nanoparticules : si on les enrobe d'une substance jouant le rôle de " velcro " chimique, on peut leur accrocher des molécules diverses, telles que des protéines ou de l'ADN. Il devient donc possible de suivre et de visualiser ces substances au cours de processus biologiques au sein de cellules et de s'en servir pour créer une batterie de tests de diagnostic très fiables, peu coûteux, ultrarapides et pouvant être mis en parallèle dans des appareils automatiques de lecture. On pourra, par exemple, détecter dans le sang plusieurs types de virus en même temps. Le coût des réactifs, la simplicité des usages sont aussi considérablement améliorés. Avec les Quantum dots, des tests permettant l'analyse complète des 3 milliards de bases de l'ADN du génome humain sont en cours. 

L'objectif de nombreux chercheurs dans le domaine des matériaux intelligents est d'arriver à fabriquer des bio-ordinateurs à ADN et des mémoires de masse utilisant des protéines photosensibles. L'idée d'une informatique à base d'ADN a été lancée pour la première fois en 1994 par Léonard Aldeman de l'université de Californie. Dans un article désormais célèbre il explique comment on peut utiliser une méthode biologique de laboratoire pour résoudre un problème classique de mathématiques : organiser l'itinéraire d'un voyageur de commerce passant par 7 villes sans jamais en retraverser une seule. Plusieurs laboratoires dans le monde ont réussi à reproduire la technique bioinformatique de Aldeman en utilisant la biologie moléculaire classique et des méthodes enzymatiques. Les brins d'ADN comportant des éléments spécifiques, comme les codes chimiques correspondant aux villes de l'expérience originale, se combinent en parallèle dans les tubes à essai en un temps très court et donnent la solution du problème. L'extraction, le tri et la lecture des séquences de molécules d’ADN comportant la solution au problème posé ne peuvent se faire que par des opérations longues et routinières. C'est pourquoi de nombreux laboratoires dans le monde travaillent à l'automatisation de ces techniques par des nanolabos fonctionnant en parallèle. Le bio-ordinateur à ADN permettra de traiter en un temps record des problèmes d'une grande complexité, mais restera sans doute complémentaire de l'informatique utilisant des semi-conducteurs ou l'électronique moléculaire. 

Des protéines naturelles pourraient servir de mémoires de masse pour les bio-ordinateurs du futur. Les protéines photoréceptrices, comme la bactériorhodopsine (BR), sont capables de convertir directement la lumière en un signal. Ce processus implique la formation d'un dipôle électrique et s’accompagne d'un changement de couleur de la protéine. Au cours de ce processus une charge positive est transférée depuis l'intérieur vers l'extérieur de la cellule. Ce qui constitue la base d'un mécanisme de stockage d'énergie dans la bactérie utilisant cette protéine. Ce principe peut être utilisé pour stocker des information et des données. Des techniques d'ingénierie génétique peuvent être utilisées pour stabiliser les deux états naturels de la molécule de BR et passer de l'un à l'autre en utilisant des lumières de couleurs différentes. En affectant des valeurs binaires 0 et 1 aux deux états de la protéine, un ensemble de molécules peut servir de mémoire de masse. On peut en effet superposer plusieurs pellicules BR les unes sur les autres pour créer des mémoires en trois dimensions. Leurs très petite taille permettrait de créer d'énormes capacités de stockage par unité de volume. 

On peut imaginer pour l'avenir de combiner des systèmes de traitement d'information fonctionnant à partir de molécules, avec des polymères servant de base à des textiles intelligents. Il deviendrait ainsi possible de porter sur soi des ordinateurs ou les systèmes de communication permettant à l'homme d'entrer en interface avec les réseaux qui l’entourent. Nous somme en train de passer progressivement de l'ordinateur portable et du téléphone portable, à l'ordinateur mettable et au téléphone mettable. Pourquoi en effet compacter et dans des boîtiers se de plus en plus petits, les circuits électroniques et informatiques puissants servant dans les téléphones ou les ordinateurs de poche plutôt que de les tisser dans les vêtements que nous portons ? C'est le principe fondamental choisi par les nombreux laboratoires qui travaillent sur ce que l'on appelle les "wearable computers". Les outils de communication seront portés de plus en plus près du corps et en interface directe avec lui. 

Ainsi, grâce à la discipline émergente que nous avons appelé dès 1981, la " biotique " - mariage de la biologie et de l’informatique dans des matériaux intelligents- , l'homme entrera en symbiose avec les réseaux d'information qu'il a extériorisé de son propre corps. Les systèmes nerveux planétaires qui se mettent en place, constituent un super organisme dont nous sommes les neurones. À nous de faire en sorte que cet homme symbiotique vive en harmonie avec l'organisme planétaire qu'il a créée, plutôt que de subir l'emprise d'un Big Brother à l'échelle du monde.

Bibliographie des auteurs cités dans la conférence.

 

- de Rosnay, Joël, " Les biotransistors: la microélectronique du XXIème siècle ", La Recherche, n° 124, Vol 12, Juillet-Août 1981, pp. 870-872.

- de Rosnay, Joël, " La biotique : vers l’ordinateur biologique ? ", L’Expansion, 1er-21 mai 1981, pp.149-150.

- de Rosnay, Joël, " L’essor de la biotique ", La Jaune et la Rouge, Revue de l’Ecole Polytechnique, mai 1983, N° 385, pp.19-27

- de Rosnay , Joël, " Biologie et informatique : l’entrée dans l’ère des machines moléculaires ", Biofutur, Juin 1984, pp.7-9

- de Rosnay, Joël, " From Biotechnology to Biotics : the Engineering of Molecular Machines ", in : Biotechnology : Applications and Research. ed by Paul N. Cheremisinoff and Robert P. Ouellette, chapter 1, pp. 1-8 Lancaster: Technomic Publishing Co, inc. 1985

- de Rosnay, Joël, " Molecular Information Processing and Molecular Electronic Devices ", Fifth International Conference on Langmuir-Blodgett Films, Août 1991, Cité des Sciences et de l’Industrie, La Villette, Paris.

- Aldeman, Leonard , " Molecular Computation of Solutions of Combinatorial Problems ", Science, 266 : 1021-1024, 11 novembre 1994.

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- Rubinsky, Boris and Huang, Yong " A Microfabricated Chip for the Study of Cell Electroporation ", Biomedical Engineering Laboratory, Department of Mechanical Engineering, University of California, Berkeley CA 94720, février 1999.

- Tour, James M. and Reed, Mark A. " Computing with Molecules ", Scientific American, juin 2000

- de Rosnay, Joël, " L’Homme Symbiotique, regards sur le 3ème millénaire ", Editions du Seuil, 1995 (nouvelle édition, septembre 2000)